L’idée prévalente jusqu’au milieu du vingtième siècle était que l’aliment portait en lui-même un « goût » et que celui-ci pouvait être « bon » ou « mauvais ». Cette idée est bousculée aujourdhui par les dernières recherches en neurophysiologie. Que se passe-t-il en bouche quand nous mangeons ? Comment se construit le goût ? Quel est le rôle de notre cerveau dans la perception du goût ? Et le plaisir dans tout ça ? Au carrefour du biologique et de l’expérience subjective, vous saurez tout sur le goût.

Homme en cuisine qui sent la nourriture dans une spatule

Mais qu’est- ce que le goût ?

Cette profusion d’émotions que charrie…le goût

Le goût correspond à la récompense de cette longue aventure dans la découverte des sens et l’écoute de soi. Il est également le seul sens qui ne peut fonctionner pleinement sans les autres sens.

Une question qui peut sembler anodine jusqu’à ce que nous comprenions que ce que nous nommons tel au quotidien ne repose pas uniquement sur ce sens. La flaveur d’un aliment ou d’un mets impliquant à la fois sa saveur, ses arômes, son odeur, sa texture, est le résultat de processus multisensoriels qui entrent en jeu, sans occulter le poids des représentations et des souvenirs qui y sont potentiellement attachés.

4 saveurs primaires sont généralement évoquées :

  • Sucré : seule cette saveur est innée. Elle est reconnue et appréciée dès l’âge du nourrisson puisqu’elle est synonyme d’énergie. Elle apparaît plus intensément à chaud.
  • Salé : il fait ressortir le goût des aliments dans une quantité limitée et apparaît également plus intensément à chaud.
  • Acide : lors de la consommation de produit acide, un réflexe spontané nous fait grimacer, sans pour autant que l’aliment possède un mauvais goût. Il est d’autant plus ressenti que l’aliment est froid.
  • Amer : saveur peu courante dans notre alimentation, elle est généralement peu appréciée. Elle apparaît plus intensément à froid. (Ce qui fait que souvent nous n’aimons généralement pas le café ou le thé froid 😉 )

Auxquelles s’ajoutent maintenant l’umami (“goût délicieux” en japonais), plus récemment le gras, commençant à être considéré comme une 6ème saveur, et enfin la saveur neutre, comme l’eau, d’autant qu’elle a une teneur faible en minéraux.

Des perceptions propres à chacun

Mais nous manquons cruellement de vocabulaire pour décrire toutes les saveurs que nous détectons. Enfin de compte les termes “salé”, “sucré”, “acide”, “amer” ou “ umami” ne doivent pas être considérés comme des modalités isolées et indépendantes. Mais comme de simples jalons dans un espace gustatif infiniment plus riche.

On peut considérer la langue comme une empreinte digitale sensorielle. C’est-à-dire que nous avons tous des sensibilités différentes avec une cartographie sensorielle personnelle. C’est pourquoi nous ne percevons pas tous les mêmes saveurs au même endroit. (Contrairement à ce que nous pensions, nous ne ressentons pas tous la saveur sucrée au bout de la langue par exemple).

Nos cellules gustatives de la bouche sont situées principalement sur la langue et le voile du palais. Ces récepteurs sont très peu spécifiques. Une molécule sapide (qui donne le goût) à toutes les chances d’être compatible avec une bonne dizaine de récepteurs distincts et un récepteur donné peut se lier à plusieurs dizaines de molécules différentes.

Ainsi, le codage d’une saveur repose sur l’activation d’une combinaison de récepteurs gustatifs. Ceci explique qu’avec un nombre relativement limité de récepteurs (une trentaine différent), nous sommes capables de détecter et de discriminer des milliers de saveurs. Il faut savoir que nous sommes capables de discriminer entre 3000 à 15 000 saveurs pour les plus fins gourmets !

Mais en réalité, lorsque nous parlons de goût, nous parlons essentiellement d’odorat. Quand il existe une trentaine de récepteurs impliqués dans le goût, il y a 347 types de récepteurs impliqués dans l’odorat (1) qui couvrent une palette de sensation bien plus large.

Quel cheminement ont ces arômes ? Au départ ces molécules odorantes sont soit directement inspirés par les narines, soit par rétro-olfaction par les cavités nasales une fois l’alimentation mise en bouche.

Ces 2 voies amènent les molécules volatiles en haut de nos cavités nasales où se trouve l’épithélium olfactif. L’épithélium est relié au bulbe olfactif qui transforme le message odorant en message nerveux, transmis à son tour vers le cortex olfactif. C’est alors que nous percevons l’arôme.

Sans l’olfaction rétro-nasale, la perception du goût serait spectaculairement appauvrie ! Vous l’avez tous déjà expérimenté, quand vous avez un rhume, une épaisse couche de mucus recouvre les récepteurs olfactifs. Et vous prive de la rencontre entre les molécules odorantes et les récepteurs olfactifs.

Ainsi, nous percevons le goût et l’odorat dès notre vie intra-utérine. A environ 21 semaines, le foetus est capable de différencier les odeurs et les goûts auxquels il a accès à travers le liquide amniotique qu’il inhale et avale directement. La composition du liquide amniotique est influencée par les substances avec lesquelles la mère s’alimente, respire, ou qu’elle applique sur la peau.

Cette “signature” odorante unique dérive des sources multiples choisis par la mère et recréent en atténué, un reflet intra-utérin de l’environnement extérieur. Par exemple, les arômes d’ail, d’anis ou de carotte passent toutes les étapes du métabolisme maternel, placentaire et foetal, pour se retrouver dans le liquide amniotique. Où ils sont potentiellement sentis et “dégustés” par le foetus. Les mêmes phénomènes peuvent jouer avec des substances moins recommandables tels un régime déséquilibré, l’alcool ou le tabac.

De plus, comme la cartographie gustative, la cartographie olfactive est différente d’un individu à un autre. Par exemple chacun a sa propre odeur corporelle(liée à notre métabolisme et contrôlée en partie par nos gènes), son propre répertoire de récepteurs olfactifs, ses propres expériences. Au niveau des récepteurs olfactifs, vu la variabilité des gènes, il n’existe vraisemblablement pas deux êtres humains qui aient les mêmes.

Autrement dit, nous devrions tous sentir un même arôme de façon différente. Par exemple, chacun va percevoir le café de façon différente, même si il existe un accord social sur l’odeur qui nous permet de l’identifier en tant que tel.

Autre constituant du goût que nous avons tendance à oublier, la salive ! La salive est le premier fluide à entrer en contact avec la nourriture que nous mangeons. Pour comprendre l’importance de son rôle, il est important de s’intéresser à sa composition. Si elle est composée à 99% d’eau, elle est aussi composée d’enzymes, de débris cellulaires, de bactéries orales ainsi que le fluide gingival (sécrété par les gencives).

La salive a 3 fonctions majeures :

  • protéger l’intégrité dentaire (lubrification des tissus oraux, lutte contre la déminéralisation de l’émail, régulation du pH..)
  • un pouvoir antimicrobien (contre les bactéries, virus, champignons)
  • un rôle d’interaction avec les aliments

Ainsi, nous ne percevons jamais un aliment tel qu’il est en soi ou dans l’assiette, mais seulement sa version transformée dans notre bouche, car toujours mélangé à notre salive. (2)

Ainsi, la sensibilité chimique du nerf trijumeau, nerf crânien très polyvalent qui innerve toutes les muqueuses de la face, correspond au piquant du poivre, au brûlant du piment, du gingembre ou de l’alcool. Au pétillant des boissons gazeuses, au rafraîchissant du menthol, à l’astringence des vins rouges tanniques, de l’artichaut cru, du thé trop infusé… (Cf. schéma) D’où les sensations dites trigéminales.

Cette sensibilité trigéminale est une sensibilité diffuse, qui n’est associée à aucun organe sensoriel différencié (comme c’est le cas pour l’olfaction et la gustation). Elle répond à une majorité de molécules odorantes et de molécules sapides ( qui ont du goût) présentées à forte concentration.

Le sens de tous les sens

En effet, la définition du goût peut à présent être résumée par la perception :

  • Des saveurs : la gustation
  • L’arôme : l’olfaction rétronasale
  • Des sensations trigéminales : sensibilité chimique du nerf trijumeau

Mais est-ce tout ?

Et non ! Tous les autres sens complètent aussi cette « image du goût » (3) :

– la vision apporte des informations sur l’aspect, la couleur et la forme de l’aliment. Ces informations visuelles créent des attentes fortes par rapport au goût qui sera perçu en bouche. En effet, la vue dispose d’une avance suffisante sur les autres sens pour solliciter la mémoire et faire ressurgir dans la conscience des goûts associés l’aspect, la couleur ou la forme de l’aliment. Ainsi, une boisson rosée servie sans plus d’information évoquera probablement un goût plus ou moins marqué de fruit rouge !

– l’olfaction directe détecte les odeurs qui émanent de l’aliment. Celles-ci diffèrent souvent des arômes perçus lors de la dégustation : en bouche, la mastication permet de libérer certaines molécules odorantes qui étaient peu perceptibles au nez et la température à l’intérieur de la bouche, environ 32°C, facilite la diffusion des arômes.

– au niveau des doigts et de la bouche, les sensibilités mécaniques de la peau et de l’intérieur du corps (muscles, tendons et articulations) fournissent une évaluation très fine de la texture.

– la sensibilité thermique nous informe sur les variations de température subies par la peau au contact de l’aliment.

– même l’audition participe à la dégustation avec la perception des sons produits lors de la mastication et de la déglutition.

1 : Numéro spécial de La Recherche N°443 « La nouvelle physiologie du goût », juillet-août 2010.

2 : Neyraud, E. (2014). Role of saliva in oral food perception. In Saliva: Secretion and Functions (Vol. 24, pp. 61-70). Karger Publishers.

3: http://www.reseau-education-gout.org/association-reseau-gout/IMG/pdf/dossier-mecanismes-degustation-jan12.pdf

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Par le Léa Magiore, Médecin Généraliste

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