Par Léa Magiore, Médecin Généraliste

Grand débat que celui du cru et du cuit. Si l’on s’en tient à des arguments naturalistes, aucune espèce animale, à l’exception de l’homme, ne cuit ses aliments. Le tout-cru est la norme universelle. Mais il y a 400 000 ans, les premiers hommes ont domestiqué le feu : un tournant majeur dans notre évolution. Alors pourquoi passer au cru ? Cette cuisine convient-t-elle à tout le monde ? Doit-on devenir végétarien pour être crudivore ? Peut-on s’y mettre du jour au lendemain ?

Personne crudivore

Manger cru, pourquoi et comment ?

Pourquoi cuire les aliments ?

Il y a 2 millions d’années, nos ancêtres avaient une alimentation proche de nos amis les gorilles. Elle était constituée de végétaux peu caloriques qu’ils ingéraient tout au long de la journée pour nourrir ce (très !) long intestin. Puis, nos ancêtres se sont différenciés des gorilles et ont commencé à s’organiser en une société plus complexe, sociale et technique. Ce qui a réclamé un cerveau de plus en plus gros.

Nos ancêtres les homininés ont donc commencé il y a 1,9 millions d’années à manger, découper et hacher de la viande crue. Avec sa densité nutritionnelle beaucoup plus élevée que les végétaux, la viande a permis d’assimiler plus d’énergie à la fois, nécessitant moins de surface intestinale et des repas moins nombreux. L’introduction de la viande aurait donc permis de réduire la taille des intestins au profit de l’alimentation d’un cerveau de plus en plus gros.

De plus, nos ancêtres ont commencé à maîtriser et utiliser le feu de façon constante il y a 400 000 ans. La cuisson de la viande a permis d’augmenter le bénéfice énergétique, comparé à un morceau de même taille cru. La cuisson a donc potentialisé ce bénéfice énergétique en “pré-transformant” les aliments, nous faisant économiser encore des cm d’intestins.
Le résultat est incontestable, le cerveau humain est 5 fois plus gros que celui d’un mammifère de même taille. (1)

Il était une fois la rawfood ?

La vague de rawfood ou alimentation vivante déferle sur la France. Certes avec un temps de retard sur ses voisins mais notre pays se rattrape avec le nombre croissant de bars à jus, livres de recettes ou encore restaurants “crus”. Nos voisins Européens comme l’Angleterre, l’Allemagne, la Belgique et le Portugal étaient en avance sur nous en terme de restauration rawfood. La Suisse est elle très active et il existe à Genève autant des bars à jus que des “frawmageries” (fromage d’origine végétale cru).

Pourquoi la rawfood ? Les adeptes avancent, à juste titre, que les micronutriments et les enzymes sont détruits à la cuisson ( au delà de 45°), dégradant ainsi la qualité nutritionnelle de nos aliments. Par l’excès de cuisson, nous avalons des aliments morts, sans vitalité, contrairement à l’alimentation crue, dite “vivante”.

La diététique moderne passe souvent son temps à décrire des régimes au travers de ratios de macronutriments : les glucides, les lipides, les protéines. Alors consommer un aliment sans le cuire, c’est avant tout s’intéresser à sa richesse en micronutriments : vitamines, minéraux, antioxydants et enzymes. Autrement dit, tous ces produits essentiels que certains vont trop souvent chercher dans les compléments alimentaires.

Remarquons aussi que la qualité de l’aliment cru dépend de la qualité du sol et la qualité de la production, qui seront des critères déterminants. En effet, les minéraux contenus dans le poireaux ou encore la carotte que vous consommez dépendra des minéraux contenus dans le sol. Si le sol est mort du fait d’une agriculture intensive, il y aura peu de minéraux. Si le sol est vivant et riche grâce à une agriculture raisonnée ou biologique, les minéraux seront en plus grande quantité.

Par ailleurs, la cuisson à haute température provoque la formation de composés toxiques. Ce phénomène se produit par la recombinaison de certaines macromolécules entre elles. Par exemple, la recombinaison d’une protéine et d’un sucre ensemble forme la “molécule de Maillard”, composé toxique. Et quand on fait roussir des pommes de terre dans une poêle, la bonne odeur de grillé qui se dégage correspond aux acrylamides formés, composé carcinogène.

Alors le cru, la panacée ?

Pour certain, le “cru fatigue”, le “cru fait maigrir” ou le cru est “difficile à digérer”.

Tout dépend de la personne, de sa physiologie, mais aussi de sa morphologie, de ses humeurs, de sa vitalité et de la nature des aliments qu’il ingère. Ce qui ira pour une personne n’ira pas forcément pour une autre. Il suffit d’écouter son corps et réaliser une petite transition tout en douceur, à son rythme. Pour cela, il est nécessaire d’acquérir un nombre de connaissances permettant de ne pas suivre aveuglément une mode, mais plutôt de comprendre ce qui est bon pour nous. Alors oui, on a tout à gagner à ajouter une part plus ou moins importante d’alimentation cru, brute et non transformée dans notre quotidien.

Notre flore intestinale (Cf article microbiote) étant habituée à notre style de vie, il est possible que si vous souhaitez apporter une part plus importante de cru dans votre alimentation, il y ait une période d’adaptation et de désintoxication. Dans notre alimentation moderne nous mangeons du riz et des pâtes en grande quantité. Les intestins sont donc tapissés de cette colle apportée par l’amidon. Les aliments crus vont participer à la “décoller” des parois intestinales, ce qui peut causer les désagréments connus tels ballonnements, maux de ventre.

Pour vous accompagner dans ce changement, vous pouvez faire des jus de légumes à l’aide d’un extracteur de jus. Ils permettent d’augmenter le nombre de légumes consommés tout en évitant les fibres qui donnent les symptômes cités.

Comme toujours, le souci de la nuance doit rester de mise dans un domaine aussi complexe que la nutrition et la personnalisation de la santé. Plus de cru, absolument. Tout cru, avec prudence. Expérimentez avec un esprit ouvert et critique 😉

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