«Espèce de mytho » ! Tu me racontes des « mythos » ! Les ados ont fait entrer la mythomanie dans le langage familier pour désigner le mensonge. Mais la mythomanie ne se limite pas au simple déguisement de la vérité pour éviter une situation désagréable, obtenir quelque chose ou soigner son image. On ne parle pas ici de mensonges ordinaires, mais bel et bien d’une pathologie.
La mythomanie, c’est quoi au juste ?
Le terme est employé pour la première fois fin 19ème. Il est formé du grec ancien μῦθος (mytho) qui signifie « légende, fable, mythe » et de μανία (manie) qui désigne un goût maniaque pour quelque chose, une forme de « folie ».
C’est le psychiatre allemand Anton Delbrück qui décrit le premier le phénomène, qu’il nomme alors « pseudologia fantastica » : une propension pathologique au mensonge. Il la décrit comme une déviance, un désir compulsif d’exagérer la réalité.
C’est ensuite le psychanalyste français Ernest Dupré qui confirmera l’existence de cette pathologie, en 1905. Il la classe parmi les formes d’hystérie, car en plus de déformer la réalité, certains de ses patients allaient jusqu’à simuler des états physiques anormaux.
Aujourd’hui, on connaît encore mal la mythomanie. Cependant plusieurs rapports de psychiatres existent, décrivant le mythomane comme quelqu’un croyant à ses propres fabulations, et accumulant une succession de mensonges pouvant se répéter sur des années. Mais dans quel but ?
Pourquoi le mythomane ment-il ?
Besoin de compenser un vide existentiel, exposition à des situations stressantes voire insurmontables, le mythomane transforme une réalité qui le rend malheureux.
Dans l’enfance, un des parents était absent ou trop préoccupé pour bien s’occuper de lui et il a souvent manqué d’affection ou de soutien psychologique. Il a parfois pâti d’une grande solitude et s’est inventé une réalité meilleure pour y échapper. Quand chaque enfant de 3 à 6 ans s’invente des histoires pour adoucir la réalité, ou ment pour ne pas déplaire à ses parents – une phase normale du développement infantile – le mythomane persiste à l’âge adulte. Mentir devient un mode de vie. Il s’agit d’une pathologie du narcissisme, d’un amour de soi et d’un égo malmené. Car si le mythomane ne supporte pas sa réalité, c’est avant tout parce qu’il ne se supporte pas lui-même.
Quelle différence entre mensonge et mythomanie ?
Contrairement à l’escroc, au menteur dit « normal » qui trompe son interlocuteur consciemment, la personne atteinte de mythomanie croit à ses propres mensonges. Elle se convainc de la réalité qu’elle se crée, car autrement son monde s’effondre. Plus que son interlocuteur, c’est donc d’abord elle-même qu’elle souhaite tromper pour s’éviter certaines souffrances.
La personne mythomane a aussi un fort désir de reconnaissance et une forte dépendance au regard de l’autre. Si elle s’invente une vie extraordinaire, c’est pour exister dans le regard de l’autre (à l’image du protagoniste de la série Serge le mytho, interprété par Jonathan Cohen, caricature de la mythomanie). Le mythomane n’est donc pas à proprement parler un manipulateur. Il ne ment pas pour obtenir de l’argent, des avantages sociaux, ou éviter une contrainte. Il ment pour se créer sa propre réalité. Selon les spécialistes, l’adulte mythomane a conservé une part d’esprit infantile. Comme un enfant, il croit sincèrement aux mondes imaginaires qu’il s’invente.
Peut-on soigner la mythomanie ?
La mythomanie est une pathologie compliquée à guérir mais heureusement elle reste peu commune. D’abord il est très rare qu’un mythomane décide par lui-même de se soigner, car cela reviendrait à accepter de voir son monde imaginaire s’effondrer. Il se retrouve donc en thérapie suite à une crise d’angoisse ou s’il s’est mis dans une situation compliquée en rapport à la loi. Dans ces cas-là, la prise en charge est médicamenteuse, associée à une thérapie cognitive et comportementale.
Ensuite, c’est souvent l’entourage du mythomane qui a du mal à gérer la situation. L’idéal est de ne pas prêter attention à ses affabulations pour ne pas l’ancrer encore plus dans son monde imaginaire, tout en n’allant pas violemment à son encontre.
En effet, répéter à un mythomane qu’il ment risque seulement d’aggraver son obstination à convaincre ses proches de ses mensonges. La meilleure option est de l’aider progressivement et en douceur à prendre conscience que sa réalité n’est pas en adéquation avec certains éléments de son discours. Chacun trouvera l’attitude adéquate, en n’hésitant pas à en parler à un psychiatre, pourquoi pas en téléconsultation pour demander conseil.