Par Adel Omouri, Médecin

On en parle peu et lorsqu’on le fait, c’est en utilisant d’autres noms ou des termes plus techniques. Le suicide est pourtant un phénomène tristement fréquent – on estime qu’en France, 1 tentative a lieu toutes les 4 minutes – et faisant encore l’objet de nombreuses idées reçues. Heureusement le sujet est de plus en plus abordé, comme par exemple dans la récente série 13 Reasons Why. Brisons nous aussi le tabou sans plus tarder.

Jeune homme en dépression au milieu d'un chemin de fer

Trois grandes idées reçues sur le suicide

Attirer l’attention

L’une des idées les plus répandues prétend que les tentatives de suicide sont avant tout des moyens d’attirer l’attention. Ce préjugé découle d’une profonde incompréhension des mécanismes mentaux qui y conduisent, et probablement d’une sur-représentation, notamment médiatique, de cas marginaux.

Quand les problèmes affluent, la première réaction est de chercher des solutions. De fait, amorcer un « faux » geste de suicide pour attirer l’attention n’est pas une façon d’agir bien spontanée, ni très prometteuse. L’idée de se suicider, si elle arrive très tôt, se fait en réalité une place prépondérante à mesure que la sensation d’avoir tout essayé croît. En définitive, le principal moteur est le désespoir.
Une personne qui passe à l’acte ne vise donc pas à obtenir plus d’attention. Quant à l’idée qu’il s’agirait d’un appel à l’aide, ce n’est pas exact non plus : quand on traverse une crise suicidaire, on n’envisage plus que quelqu’un puisse nous aider. Ce qui est certain, en revanche, c’est qu’une tentative de suicide témoigne d’un besoin d’aide, à ne pas ignorer.

Les signes avant-coureurs

Le deuxième grand préjugé prétend que les tentatives de suicide ne sont jamais précédées du moindre signe avant-coureur. Les statistiques en France nous disent que 90% des personnes s’étant suicidées présentaient au moins un trouble mental au moment du passage à l’acte (source: inserm). Le terme « trouble mental » regroupe plusieurs situations, pas uniquement des pathologies nécessitant un suivi psychiatrique régulier et intensif.
Il peut aussi s’agir d’une dépression non avouée, voire carrément masquée : dans tous les cas, les personnes concernées semblent traverser au préalable une période riche en difficultés mentales. La statistique donnée plus haut provient d’autopsies psychologiques, c’est-à-dire d’analyses a posteriori de l’état mental des patients. Il peut même exister des signes de détresse mentale, mais subtils ou négligés, minimisés par l’entourage.

Un problème incurable

Une dernière idée reçue mérite d’être soulignée, celle de « suicidaire un jour, suicidaire toujours ». S’il est attesté par les chiffres que les sujets ayant fait plusieurs tentatives de suicide sont de plus en plus à risque d’en refaire, on n’atteint jamais 100%. Les capacités de réflexion, de prise de recul et de relativisation sont amoindries lorsqu’on est en souffrance psychique. Ainsi, l’idée d’avoir déjà tout essayé peut être totalement erronée, et tout de même envahir l’esprit. Un soutien et une prise en charge appropriée peuvent permettre de briser ce cycle.

J’ai des idées noires en permanence…

Ça peut arriver à n’importe qui. Riche, pauvre, moche, beau, gros, mince : personne n’est à l’abri des idées noires. Donc avant tout, n’ayez pas honte de ces sentiments, et encore moins de les reconnaître. Cela demande une force incroyable.

Comme nous l’avons dit plus haut – et si vous êtes concerné-e, vous l’avez peut-être ressenti de cette façon – le principal moteur des idées suicidaires est le désespoir. C’est un phénomène compréhensible lorsque les situations douloureuses se pérennisent.

Dans ces cas là, prendre du recul et reconsidérer les événements pourvoyeurs de ces idées risquent de sonner comme un vœu pieux, pour le moins. C’est encore plus vrai lorsque la dépression est omniprésente, du fait de la perturbation des facultés intellectuelles. Dans un moment pareil, la meilleure chose à faire est de ne pas rester seul-e. D’une part, l’isolement favorise et entretient la dépression. D’autre part, le simple fait d’en parler peut vous ouvrir des perspectives que vous n’envisagiez même plus. Parmi vos amis et votre famille se trouvent peut-être des soutiens auxquels vous n’auriez pas pensé, qui ont, qui sait, traversé la même chose.

Peut-être, cependant, que vos problèmes vous semblent relever de l’inavouable, ou que vous craignez l’embarras si vous vous confiez à vos proches. Peut-être même avez-vous peur d’être jugé-e et incompris-e. Si c’est le cas, vous pouvez solliciter un professionnel de santé, par exemple votre médecin traitant ou un psychiatre. Une consultation dédiée vous offrira une écoute neutre et confidentielle, tout-e protégé-e que vous serez par le secret professionnel.

L’éventualité de vous voir délivrer une ordonnance d’anti-dépresseurs constitue peut-être un frein à vos yeux : sachez d’une part que vous pouvez interroger votre médecin sur la nécessité et les bénéfices attendus d’un tel traitement ; d’autre part, considérez-les comme une aide. Ils ne constituent pas une solution miracle et ne font qu’une partie du travail, mais ils peuvent vous aider à passer un cap.

Idées suicidaires : comment se faire aider

Si vous êtes sujet à des idées suicidaires et souhaitez en parler rapidement, sachez qu’il existe plusieurs dispositifs efficaces pour vous aider :

  • une permanence téléphonique accessible 24h/24 et 7j/7 est disponible pour la France métropolitaine au : 01 45 39 40 00
  • des associations de soutien, comme SOS Suicide Phénix , sont peut-être disponibles près de chez vous. Être écouté et écouter des personnes passées par là peut vaincre la sensation d’isolement et vous prodiguer une aide insoupçonnée
  • la télémédecine ouvre de nouvelles possibilités pour gérer les idées suicidaires. En facilitant le contact avec un médecin et en supprimant les contraintes liées à la distance, à la nécessité de sortir, ou encore de rencontrer physiquement quelqu’un, la télémédecine facilite la prise en charge psychologique. Prendre rendez-vous pour une téléconsultation avec un psychologue ne vous prendra que quelques minutes, mais vous apportera un support salvateur !
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